Dan Da Dan Dog, dans le tourbillon bouffon et choral de la mort et de la vie

Par l’absurde d’une mise en scène et les répliques percutantes Dan Da Dan Dog offre un spectacle au théâtre des plus réjouissants tout en nous parlant d’un sujet pesant et terrifiant : la mort. Pascale Daniel-Lacombe a créé un espace de jeu tout à fait extraordinaire qui désoriente le spectateur. En effet, cela se ressent tant par des répliques cernées entre des silences : les discussions sont saccadées, les annonces ne touchent pas les personnes voulues, jouant entre réalisme et absurde. Tout cela laisse au spectateur un rôle actif et les répétitions nous désorientent autant que le fauteuil qui ouvre la pièce en tournant sans cesse sur lui-même. Il nous donne une indication sur le fait même qu’il n’y en ait pas véritablement sur la temporalité de la scène. Elle pourrait se dérouler en plusieurs mois comme un jour, à l’image des vies qu’elle présente. En effet, celles-ci sont toutes recoupées, recousues et éphémères. L’accordéon que forment les mouvements d’objets de la mise en scène sur des rails permet de montrer l’accordéon des vies présentées en addition avec l’ambiance brumeuse de la scène, qui contribue à la désorientation du spectateur.


Cela se perçoit par les changements de lieux rapides permis par une mise en scène ludique qui joue sur les espaces qui s’avancent en fonction des besoins qui permet de montrer la proximité de tous les personnages. Elle peut être en hauteur par le biais d’un pont qui forme comme un deuxième plateau en hauteur. Cette mise en scène, parfois littéralement tombée du ciel comme avec la croix sur la tombe ou les pots de fleurs du cimetière permet de montrer la fulgurance de la mort par la brutalité d’une chute. La recherche de changement radical entre un registre absurde et sérieux lorsque la mort intervient aussi dans les dialogues entre les personnages et avec le personnage du prêtre lui-même. Naturellement, nous aurions pu l’imaginer morne et sombre, or, par son son de voix décalé et ses répliques absurdes, il en est le personnage le plus grotesque de la pièce.
Les échanges entre les acteurs sont ponctués de silence ou de non-dits mis en parole par des mots tels que « truc » ou « chose ». De plus, les acteurs en fonction de leur âge n’ont pas un rapport identique au silence : lorsque deux jeunes parlent entre eux il y a très peu de silence et le frénésie d’un cœur ouvert à un autre quand celui d’avant est brisé. Au contraire, la grand-mère parle avec une ponctuation de silence car elle fait que le temps est compté pour elle mais essaie de se persuader que cela ne fait rien. Cette différence entre la jeunesse et la vieillesse se voit de plus dans leur jeu, les jeunes ont un jeu bien plus physique avec le chien-serpillère que la grand-mère. Néanmoins tous jouent sur une stylisation du jeu au sein d’une scénographie-machine à jouer avec cet effet accordéon qui déplace un pont comme un vélo sur les rails, le tout entrecoupé de ritournelles musicales diverses et bouffonnes par leur mélange, sur scène ou diffusées, comme Sunny… version heavy metal…

Tous les personnages ont un rapport les uns au autres mais un seul les unit et il est joué par tous : c’est le chien, une serpillère. Il permet un jeu tout à fait particulier qui fait de chaque personne une danse unique. Il unit chaque personnage les uns avec les autres même lorsque les temporalités semblent distordues. Il est le seul lien entre un personnage qui semble être véritablement hors de la pièce car ne parlant qu’une fois pour exprimer son désarroi. Néanmoins nous pouvons penser qu’elle est comme un fantôme, invisible mais présente sans le savoir. La présence de la mort se fait alors de plus en plus omniprésente mais dédramatisée par les jeux absurdes ou les objets ridicules comme les ailes d’ange du grand
père mort. L’apothéose de la mort mise à distance et montrée à la fois est la mort de la grand-mère lorsqu’elle le met à voler en décrivant à quel point c’est merveilleux. La mort est alors belle et non plus ridicule. Le tournis de la mort du grand-père au départ se conclut avec celle de la grand-mère qui, elle, est d’une verticalité déroutante.

AT