Holly Woodlawn, les métamorphoses de la vie d’Holly dans le cabaret survitaminé de Pierre Maillet

La pièce Holly Woodlawn mise en scène par Pierre Maillet s’est déroulée le 22 octobre 2021 à la Comédie de Caen. Ce spectacle raconte la vie de l’une des dernières égéries de la Factory d’Andy Warhol : Holly Woodlawn. Ce spectacle de cabaret suit un fil (auto)biographique, Pierre Maillet incarnant Holly qui raconte sa vie. A l’image de la vie de l’actrice, le spectacle possède des moments drôles et des moments plus tristes, des hauts et des bas. Le spectacle est une porte d’entrée sur le monde inconnu, magique, poétique, aussi marginal et fantaisiste que simple, celui de la vie de Holly Woodlawn. Cette pièce permet au spectateur d’entrer dans un monde nouveau, qui lui est très souvent inconnu, en brisant tous ses préjugés. Le spectacle est un cabaret divertissant, plein d’humour mais où s’inscrit un témoignage directement adressé au public.

L’espace de jeu est divisé en quatre parties. Il y a le public, au milieu duquel les acteurs peuvent déambuler. Il y a la scène, légèrement surélevée qui s’avance vers le public et il y a l’espace des musiciens en arrière-scène, où se situent les instruments. Enfin, il y a un espace à jardin légèrement en retrait qui sert de coulisse à vue. Même si les quatre zones sont bien définies par les lumières, les acteurs déambulent de l’une à l’autre sans problèmes. La mise en scène se fait donc jusque dans le public devenu public de cabaret: il s’est installé à de hautes tables rondes entourées de chaises, de petits cadres de célébrités du milieu du cabaret y sont posés. Une personne distribue du punch aux spectateurs. L’environnement est bruyant, contrairement aux attentes d’une salle de théâtre. Cette atmosphère crée un dispositif comparable à celui d’un spectacle de cabaret: l’univers musical est par exemple très travaillé et s’accompagnent d’une performance visuelle. Cela peut être une danse, l’un des chanteurs qui s’avance pour que la musique prenne des airs de concert,… Les musiciens jouent beaucoup de musiques variées. Il y a une reprise de musiques contemporaines à Holly, dont notamment Walk on the wild side de Lou Reed, qui a été inspiré par elle. Dans la dernière partie, mise en scène comme un cabaret, l’exhibition du spectacle se voit de la manière la plus flagrante. Il est coupé d’une entracte avant ce cabaret. Dans cette partie, Pierre Maillet chante avec les musiciens qui jouent derrière et le public tape dans ses mains en rythme. A un moment, l’acteur recommence à parler et il emmène le public dans une sorte de monde onirique. Il dit voler au dessus de Paris, voir la place de la Concorde dans une sorte d’envolée lyrique. A la toute fin du spectacle, est diffusé un enregistrement où l’on entend la vraie Holly lors d’un spectacle, qui a dit exactement la même chose et le public se rend compte du fait que l’histoire qu’il a entendue est bien ancrée dans le réel. Cet enregistrement qui clôture le spectacle, sonne comme une forme de conclusion. Le public est entré dans le monde de Holly Woodlawn.

Pierre Maillet est le seul acteur qui garde le même rôle : celui de Holly Woodlawn, mais c’est un rôle en perpétuelle métamorphose, exhibée dans la loge à vue. Les autres acteurs lui servent d’appui pour raconter les personnes qu’elle fait rencontre au fur et à mesure que sa vie. Le code pour montrer les changements de période dans la vie de Holly, c’est quand elle change de vêtements. Par exemple, quand Holly s’apprête à raconter sa nouvelle vie de femme au foyer, elle passe d’une robe rose à une robe bleue. Pierre Maillet raconte la vie de Holly de manière très chronologique et très épique. La seule constante du spectacle, c’est Holly, c’est pour cela que l’acteur ne change jamais de rôle : l’acteur Pierre Maillet incarne, raconte mais aussi parasite le personnage qu’il joue. A la fin du récit de son road trip, au lieu de dire qu’il est arrivé à « New York », il se trompe et dit être arrivé à « Montpellier ». Ou encore il se trompe en parlant de « Florian » au lieu de « Russel ». Ce parasitage épique, souvent répété renforce le lien entre Pierre Maillet et Holly Woodlawn. L’acteur incarne le personnage et le personnage résonne tellement chez l’acteur que celui-ci le confond avec son être propre. L’entrée dans l’univers déjanté de Holly ne se fait donc pas seulement par l’exhibition du spectacle mais aussi par le caractère épique de celui-ci. Pierre Maillet interagit avec le public. Il lui pose des questions, s’excuse de lui avoir parlé trop fort, se tourne vers lui pour lui parler… L’épique rend le spectacle plus touchant, puisque le public est pris en considération, rapprochée de Pierre/Holly dont l’étrangeté et la fantaisie deviennent touchantes et proches.

En somme, le spectacle est une mise en scène épique de la vie de Holly. Ce personnage qui semble aujourd’hui lointain et sur lequel il est facile d’avoir des préjugés dévoile sa vie dans ce spectacle, sans tabous et sans préjugés. Cette pièce permet, le temps d’un soir, un retour en arrière empreint de poésie et d’humour sur la vie peu commune de cette femme peu commune.

P.L.